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13 avril 2015

Calomnie


.Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose…

Francis BACON (1561-1626), dans son traité De la dignité et de l’accroissement des sciences (1623), livre VIII, chapitre II, à la suite d'une étude sur les paraboles de Salomon, passe en revue quelques proverbes et s'exprime ainsi :

« Comme on dit ordinairement : Va ! calomnie hardiment, il en reste toujours quelque chose

(Sicut enim dici solet de calumnia: Audacter calumniare, semper aliquid hæret.). »


Cas concret trouvé ce matin dans la boite aux lettres et sur le site du principal (pour ne pas dire le seul) quotidien du département des Alpes Maritimes.

L’article date de samedi dernier et porte sur une personne âgée qui se retrouve bloquée chez elle en raison d’une panne d’ascenseur.

Un problème humain, d’autant plus que la dame est à la fois âgée et handicapée, ce qui en fait d’abord un vrai cas pour intervenir rapidement, et ensuite accessoirement un beau sujet pour faire pleurer dans les chaumières.


La priorité ce devrait être en effet l’explication technique donnée par le bailleur social et les mesures correctives prises (ou non) par le bailleur social pour faire face.

Objectivement, le respect du contradictoire imposait de donner les faits, l’avis de la locataire  et l’avis du bailleur, mais le respect du contradictoire ne semble pas avoir été la grande priorité immédiate.

Plus exactement il se limite à solliciter le plus haut échelon de la hiérarchie, et à mentionner l’absence (momentanée) de réponse sans plus de précisions, ouvrant ainsi la porte à toutes les interprétations possibles dont bien évidemment le mépris ou le manque d’écoute.

Ensuite l’article est publié puis mis en ligne.


Sachant que jamais aucun homme (ou femme) politique n’aura l’inconscience de se plaindre, sur un sujet de vie courante dans une édition locale, c’est jouer sur du velours.

Un velours qui se transforme vite en torchon, et même en coup de torchon grâce à la « bienveillance » d’une partie du lectorat qui en profite pour dépasser le cadre de l’article, dans des commentaires qui tournent vite au règlement de compte politique. Sans intervention de modérateur pendant le week-end, apparemment.


Soyons clairs, j’approuve totalement le fait de relater un problème de la vie quotidienne.

Je ne fais pas autre chose ici, à différentes reprises, depuis des années, sous diverses formes.

La liberté de la presse doit être respectée, même et peut-être surtout sur les petits sujets de la vie quotidienne qui sont ceux qui touchent le plus les gens. Que l’on interprète pas ma réaction comme une attaque contre la liberté de la presse. Ceux de mes amis qui exercent ce beau métier savent ce que je pense d’eux (d’ailleurs si je dis « mes amis », c’est clair).

 

Mais en lisant la façon « à charge » dont s’est présenté, et surtout les commentaires « chargés » qui vont encore plus loin, je crois qu’il faut redresser un peu les plateaux de la balance.


Certes, les bailleurs sociaux rencontrent des difficultés. Certes la réactivité est un combat permanent. Certes les ascenseurs (comme le chauffage, la télévision ou les parlophones) sont des problèmes difficiles pour les personnes âgées et à plus forte raison handicapées.

Mais est-il normal de présenter les faits uniquement à charge, en limitant volontairement le contradictoire à une demande de réaction « présidentielle », surtout en laissant ensuite libre cours à un flot de propos n’ayant plus qu’un lointain rapport avec le vrai sujet de départ ?


Il faut bien que tout le monde vive et s’exprime.

En priorité, ce que je retiendrai c’est les conditions de vie de la seule vraie victime de la situation, la personne âgée handicapée. Qui – elle – s’exprime fort bien.

Il me semble qu’après la relation des faits – que je ne conteste en rien – c’est la vraie préoccupation majeure.

Il serait stupéfiant que de tels faits ne donnent lieu à aucune réaction dans un domaine qui est – en interne – habituellement considéré comme sensible et prioritaire.

Il serait stupéfiant que l’ascenseur en cause ne soit pas entretenu par une entreprise connue et reconnue à un bon niveau puisque c’est un marché public. Il est tout aussi stupéfiant qu’aucune investigation ne soit faite dans cette direction-là, ni pour préciser la nature de la panne ni pour préciser le type de réparation possible.

Les ascensoristes ne répondraient-il plus (eux aussi)? Ces sociétés, souvent de grande taille, auraient-elles décidé de se priver de communication ?



Que pour X raisons, la personnalité politique qui préside le bailleur social ne puisse pas répondre immédiatement n’a rien de particulièrement étonnant quand il est question d’un problème technique particulier sur un cas individuel.

En la matière – c’est l’évidence – l’information doit être transmise aux services techniques et à l’agence en charge du dossier au quotidien pour avoir des éléments de réponse sérieux et précis.

Pour avoir une réponse plus nette que « ce problème retient toute notre attention » ou « nous mettons tout en œuvre pour résoudre au mieux ce problème dans les meilleurs délais » de la présidence d’un office public il faut un minimum de temps.


Ce n’est pas en vérité l’article qui agace, c’est la facilité avec laquelle on laisse se déverser à la suite les commentaires sous forme d’attaques et autres calomnies.

Six commentaires sur neuf (2/3) n’ont aucun rapport avec le dossier de départ.

 

Comme ceci :

… les "anciens" envers qui les cumulards de mandats n'ont aucun respect.

… trop occupée pour s'occuper des graves problèmes que doivent supporter les personnes âgées qui n'ont pas recours aux associations pour les défendre,

… Votre courrier sera (comme les autres) , traité par les sbires.

… Il est certain que nos politiques privilégient les "nouveaux" électeurs.

… Notre pays est devenu l'Eldorado pour tous ... sauf des gaulois.

… Exact, c'est comme les abattoirs de la route de Turin …/… D' ici à ce que ça devienne une mosquée…

… squatté , par des ROMS - qui eux n'ont sûrement pas ce problème …


Passons sur le cumul de mandat qui n’est pas l’objet, la fonction de Président de l’office étant bénévole, et merci pour les « sbires » qui traitent et résolvent les problèmes. Quant aux dérapages sur le vote des immigrés, les Mosquées, les Roms… ils n’ont tout simplement aucun rapport avec le dossier !

Bien entendu je recevrai avec plaisir les commentaires qui diront que le fonctionnement des forums explique cela, et il s’en trouvera même pour justifier les attaques hors sujet.


Il n’empêche, que ce n’est pas en criant au scandale que l’on règle un problème technique.

Certains – dont c’est quasiment le métier – diront que non, ils parleront même de « lutte » et de « revendications » pour un ascenseur en panne qui n’est pas l’ascenseur social mais celui du logement social, ne l’oublions pas.


Reste un point à retenir, car nous n’allons pas changer le monde, c’est l’importance que l’on veut donner à la communication.

Peu importe l’ivresse pourvu que l’on ait le flacon.

Dans le temps, c’était l’inverse.


Aujourd’hui ce qui compte c’est la réponse sur un coin de table plus que la résolution du problème. Ensuite trouver des responsables, voire des coupables, à un échelon assez bas pour ne pas inquiéter en haut et assez haut pour laisser travailler en bas. Voilà la priorité

 

Ce n’est pas la bonne, mais il est tellement plus simple de trouver un bouc émissaire ou une tribune pour dire du mal, et ensuite on justifiera une rupture de contrat ou un licenciement…



Ce n’est pas forcément l’effet que souhaite la presse, mais c’est la conclusion qui arrive en premier. En attendant un article (que je vois venir d’ici) sur la vacuité des réponses que les communicants font aux journalistes…

 

Je partage d’avance l’indignation des journalistes sur cette question.

 

Espérons que d’ici là, l’ascenseur sera réparé.


Joyeuses Pâques

Didier CODANI

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