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Le village près de chez vous 12 octobre 2014 Si nous avons encore le droit de parler, j'aimerai bien dire ce que j'en pense. Dans la page "Bibliothèque" je donne un peu la parole à ceux qui n'aiment pas ce livre. Ici je la reprends, page par page, pour la partager avec vous. Pour ma part je ne suis pas d'accord avec tout ce que contient cet ouvrage, mais je le trouve d'une tonicité géographique et socio-politique remarquable. C'est sans doute ce qui lui vaut l'ire de certains grands partis et de nombre d'instances. L'auteur casse différents mythes qui constituent selon lui le "fond de commerce" de certains politiques mais aussi de nombre d'institutions publiques. Il commence par les classes moyennes, dont il explique qu'elles sont en chute libre. Quelques privilégiés et assimilés, beaucoup de pauvres, peu de cette "classe moyenne" qui se réduit comme peau de chagrin dans notre France de 2014. Il refuse le racisme ordinaire, tout en reconnaissant que nos compatriotes ont de plus en plus de mal à cohabiter avec une immigration qui devient "envahissante" par endroits : "Les immigrés ne cohabitent plus avec les milieux populaires traditionnels (d'origine française ou d'immigration ancienne)" page 41. Il pose (page 48) un nouveau débat, fort dérangeant pour tout pouvoir conformiste : "En réalité le vrai débat n'est pas de savoir si le modèle métropolitain est pertinent économiquement. Il est de savoir s'il fait ou non société. S'il permet de tirer vers le haut les autres territoires et d'intégrer économiquement les catégories modestes qui vivent à l'écart des métropoles, ou si le rôle des métropoles se limite à redistribuer un minimum de ressources vers des territoires condamnés et des populations inutiles." Il met là les pieds dans le plat: Territoires condamnés. Populations inutiles. Ces territoires, ils sont Français. Ces populations, elles sont Françaises. Il y a ceux qui ont les moyens, l'emploi, l'habitat proche des commodités (immigrés inclus) et il y a ceux qui sont en périphérie, à des endroits où investir des fonds publics paraît coûter plus que ce que ça va rapporter. Ce sont eux les "inutiles" quelle que soit leur origine ethnique, même si souvent ce sera du "petit blanc". C'est eux la nouvelle catégorie populaire dans la France des années 2010. Effectivement ces catégories populaires ne sont plus d'accord sur le discours que les autres monopolisent dans les grandes villes, et donc dans les grands médias. Page 77: "Sur les sujets fondamentaux de la mondialisation, du libre-échange, de l'immigration ou du multiculturalisme, le dialogue est devenu impossible." Tout simplement parce que ce sont ces catégories populaires qui subissent directement les conséquences. Les couches supérieures ont les moyens de se protéger. Elles ont des grilles fermées en fer forgé et - bien plus efficace - des "plafonds de verre" infranchissables à la grande masse. Ce n'est plus une question de couleur, de race ou de religion. "Pour épater la galerie" il y aura bien un certain nombre de gens qui seront autorisés à aller - et à être vus - partout. En contrepartie, en périphérie le grand nombre devra, lui, cohabiter sans barrières... "Ce sont les couches populaires qui prennent en charge concrètement la question du rapport à l'autre." Dit plus en détail (page 90): "Le diagnostic rationnel, objectif, est celui des classes populaires, car ce sont celles qui vivent au quotidien depuis trente ans les effets de la mondialisation (stagnation ou déflation salariale, précarisation, chômage, fin de l'ascension sociale) et son corollaire lié à l'immigration (aléas de la cohabitation, quartiers difficiles, problèmes de logement, déshérence de l'école, instabilité démographique...). Pour avoir sous mes ordres des agents qui ont tout fait pour échapper aux "cités multiculturelles" quitte à finir dans un "village" des environs de Nice (certains se reconnaîtront car ce sont de vrais exemples) je sais à quel point c'est vrai. Ne plus pouvoir laisser l'appartement vide durant la journée sans trembler au retour et sans parler des caves et des garages... Et ne .plus arriver à dormir la nuit à cause des voisins. Même quand il n'y a pas de violences directes, c'est à terme insupportable. On paie plus cher (dès qu'on peut) et on va plus loin. Où ? Dans cette France périphérique. Parce que le centre-ville, la métropole stricto sensu, c'est inaccessible pour leurs salaires. Allez leur parler de "diversité" après ça. C'est difficile. Je ne partage pas le point de vue de Christophe Guilluy quand il commente (page 97): "La diversité, une catégorie gentiment raciale, qui s'est tranquillement installée au cœur du discours républicain, ce discours "qui ne reconnait ni race, ni origine, ni religion". En fait je ne crois pas qu'il y ait toute la duplicité politique qu'il décrit autour de ce mot. Mais c'est peut-être moi qui suis naïf. Par ailleurs je travaille (bien) dans la diversité. Je suis tout de même forcé de reconnaître que sa démonstration page 105 concernant après "le mariage pour tous" passé en force, le recul gouvernemental sur la PMA et la GPA comme sur les "ABCD de l'égalité", est assez frappante : "Le marketing électoral explique pour une large part ce positionnement. L'électorat catholique, supposé acquis à la droite, ne représentait pas un risque électoral, en revanche le décrochage d'un électorat musulman et plus largement celui des minorités est une inquiétude pour la gauche." Revenant à cette division entre métropoles "gentrifiées" ou "notabilisées" (ce qui serait à mon avis moins "franglais à la mode") et "périphérie", je partage en revanche pour le connaître bien - en famille - le constat (page 121) de la sédentarisation qui pèse financièrement sur ceux qui se retrouvent (volontairement ou non) en "périphérie". La maison de campagne, la résidence secondaire des parents devient - par force - le domicile des enfants. Par pour la joie de vivre dans l'arrière-pays, mais en raison du coût du foncier : "Un déplacement régulier vers le travail en voiture à 20 km de chez soi coûte environ 250 Euros par mois, c'est-à-dire ampute d'un quart un salaire au smic. Ce constat permet de rappeler un point essentiel: la mobilité a un coût, d'autant plus important que les revenus sont modestes". Trivial ? Peut-être. Concret ? Certainement. Mais pourquoi ces gens vont-il habiter en "périphérie", je vous le demande ? Réponse encore une fois et sous une autre forme page 124 : "La volonté d'éviter les quartiers et plus largement les territoires des grandes villes où se concentre l'immigration participe à la sédentarisation des populations dans des territoires économiquement peu dynamiques". Ce n'est pas un odieux raciste, juste un observateur. J'invite ceux qui le traiteraient de raciste à regarder où ils vivent, et à envisager avec bonheur (ce sera plus difficile) un déménagement en ZUS ou ZSP. Je vous passe les sigles, d'autant que ça va encore changer sous peu, histoire de coller de plus près au terrain (et pas de brouiller les éléments de langage) bien entendu. On crie alors au populisme quand l'auteur en revient maintenant à la notion de "village" qui lui semble centrale dans l'état d'esprit de ces couches populaires. Le mot m'a frappé car - là encore c'est du vécu - j'ai assisté dans un passéassez récent à la mise en place d'un centre d'action sociale dans l'un des "40 quartiers (ou cités) les plus difficiles de France" (dixit le journal France-Soir en 2011). Le monsieur en bas à gauche n'est pas le gardien d'immeuble idéal, mais c'est sans doute là pour qu'on comprenne bien le sens du mot "difficile". Eh bien dans une de ces belles cités, pourtant si difficiles, des habitants ont été sollicités pour choisir le nouveau nom de leur centre social. C'était le 24 octobre 2008. Ils l'ont baptisé..."Le Village".« Village, Maison de la solidarité et du partage » à l’Ariane. Un centre social, agréé par la CAF (Caisse d’Allocations Familiales), qui se définit comme un « foyer d’initiatives porté par des habitants associés, appuyé par des professionnels capables de définir et de mettre en œuvre un projet de développement social local ».Vous ne me croyez pas ? Voyez la photo. Elle n'est pas retouchée. En 2008, on ne peut tout de même pas les suspecter de s'être fait influencer par les livres de Christophe Guilluy... Mais c'est le nom qu'ils ont choisi. Pour Christophe Guilluy (page 133) : "La résurgence du "village" apparait comme une réponse concrète des catégories modestes à l'insécurité sociale et culturelle". Difficile de lui donner tort, même si personnellement je n'irai pas aussi loin que lui quand il écrit page 144: "Des montagnes de Kabylie aux grandes villes chinoises, la question universelle du "village" raconte, à l'heure de la mondialisation, la nécessité pour les plus modestes de préserver un capital social et culturel à l'heure où l'Etat ne protège plus. Je ne suis pas si certain, travaillant au quotidien avec des fonctionnaires, que la démission du service public soit si réelle et si profonde. Peut-être est-ce un ressenti ? Mais quand on est à l'intérieur du système on le voit peut-être moins bien que ceux qui sont à l'extérieur. Je dois le reconnaître. L'auteur insiste d'ailleurs sur le fait que le moteur des plus modestes se trouve dans la nécessité d'être majoritaire entre soi comme point caractéristique du "village" qu'il évoque (page 152): "Les débats bysantins sur l'immigration, l'identité, le droit du sol, du sang, sont vains, puisqu'ils ont déjà été tranchés dans le réel. Il suffit d'observer comment se gère le rapport à l'autreici et ailleurs. Le processus est identique partout, le rapport au "village" est le même de La Courneuve à la Picardie, de Hénin-Beaumont à Marseille, des villages bretons à ceux de Kabylie, du Xinjiang à l'Orégon: les catégories modestes souhaitent préserver leur capital social et assurer la transmission de leur patrimoine et de leur "village" à leurs enfants. Il s'agit d'une démarche de protection, pas de fermeture,elle n'interdit donc pas l'acceuil de l'autre ni la fraternité mais exige un entre-soi majoritaire". Entre-soi est sans doute le mot-clef. Nous en arrivons à un moment où tout le décalage s'exprime entre une France des grandes villes et cette France du bord des autoroutes. Avec de tels propos, qui viennent contrarier et contredire nombre de discours officiels, l'auteur ne peut pas se faire des amis. Il retrouve contre lui une large part de la classe politique en place qui l'accuse de "banaliser" des thèmes extrémistes. Que peut-on voir d'extrémiste dans le thème du village ? Où est l'extrémisme ? Entendons nous dans ces campagnes rugir de féroces soldats ? Qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes ? Pour ceux qui lisent attentivement ces questions devraient les réveiller. On fait là un bien mauvais procès à Monsieur Guilluy. Il serait plus profitable d'ouvrir un peu les yeux et les oreilles en reprenant calmement sa grille de lecture. Certes elle n'est pas agréable. Mais si personne ne s'en préoccupe que se passera-t-il ? L'ascenseur social est en panne. Et le réparateur tarde à venir. Il faudra bien trouver l'escalier de service pour grimper, marche par marche, comme le disait un ancien Président de la République. Pour ceux qui ne se contentent pas de l'étage où ils sont et qui veulent monter plus haut en tous cas. La politique politicienne me semble bien avoir vécu. Les hommes et femmes politiques qui "marchent" ne sont pas ceux qui s'enferment, mais ceux qui viennent voir et qui trouvent des solutions concrètes aux problèmes réels des vrais gens au quotidien. On a pu rire du ticket de bus à 1 Euro pour aller partout dans un département, mais quand on habite l'arrière-pays, on ne rigole plus. On dit merci aux élus qui l'ont mis en place. C'est petit, mais c'est sérieux. Dans les Alpes-Maritimes, c'est une réalité. Les grands débats philosophiques ne font plus recette auprès des classes populaires. Etendre une métropole des Alpes à la Méditerranée certains l'ont décrié comme "mégalomane", mais après avoir lu "La France périphérique" on peut se demander si ce n'est pas au contraire une longueur d'avance qui a été donnée à cette population. Détruire les départements pour réduire encore et toujours les coûts de fonctionnement administratif, c'est la prochaine étape. Christophe Guilluy donne maints arguments, au vu de cette nouvelle répartition des français qui est encore niée, pour qu'on y réfléchisse à deux fois avant de casser encore plus le lien social, voire même arriver à cette "guerre à basse tension" (page 179) qu'il ne souhaite visiblement pas à notre pays. Je constate que même en ayant sélectionné les passages pour rendre le texte le plus concret possible, c'est déjà un peu trop long. Merci de l'avoir lu. Merci d'y réfléchir. Cet automne est riche, toutes les feuilles qui tombent ne sont pas mortes.
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